La première défaite de Zapatero
Le 1er novembre, on célèbre les morts. En Espagne, on compte depuis hier au moins un blessé grave, le général en chef Zapatero en personne, qui vient de trébucher lourdement aux élections régionales catalanes. En concédant des pans supplémentaires de souveraineté à la Catalogne, avec un nouveau Statut concocté aux petits oignons, en la reconnaissant comme « nation », contrairement aux seize autres Communautés formant l’Espagne, le chef du gouvernement pensait s’être mis dans la poche l’opinion publique locale. Mieux encore, il fit en sorte d’être débarrassé de l’encombrant Pasqual Maragall, à la fois patron des socialistes catalans et « Honorable », c’est-à-dire président de la Generalitat de Catalogne. Et imposa comme candidat son ministre de l’Industrie qu’il fit démissionner, José Montilla, un Catalan de cœur sinon de naissance puisque venu au jour à Iznájar, dans la province andalouse de Cordoue. Zapatero attendait donc avec jubilation les résultats de cette cuisine électorale. Et lui comme nous n’ont pas été déçus.
Première déception, la participation : 43,42 %, soit 6 points de moins qu’en 2003. La démonstration éclatante que les Catalans ici comme ailleurs se contrefoutent de la politique.
Deuxième désillusion, le parti centriste, qui dans le passé s’est allié autant avec la droite qu’avec la gauche, CiU, mené par le sémillant Artur Mas, l’emporte haut la main : 928.511 voix, soit 31,52 % et 48 députés, soit deux de plus qu’en 2003. Un beau résultat, quoique inférieur à ce que ses promoteurs espéraient, et insuffisant pour arriver à la majorité absolue.
Troisième déboire, et non le moindre : le Parti socialiste catalan passe de 43 sièges à 37, soit 789.767 voix et 26,81 %. C’est indiscutablement un camouflet pour Zapatero, qui jusque-là se vantait de n’avoir jamais perdu de sa vie une seule élection. Et cette défaite laissera des traces, tant à titre personnel que dans les régions ou au plan national.
Les autres leçons à tirer du scrutin concernent la stabilité des extrémistes de l’ERC, avec 414.067 voix, 14,06 %, passant de 23 sièges à 21. Tout comme le PP, jamais performant dans cette région, avec 313.479 voix et la perte d’un siège, de 15 à 14. On est toutefois loin de la déroute escomptée. Quant à ICV-EUiA (gauchistes et verts) de Joan Saura, elle progresse légèrement, avec 281.474 voix, soit 9,56 % et 3 sièges de plus, de 9 à 12. La seule surprise venant du nouveau parti du jeune Albert Rivera, Ciutadans-Parti de la Citoyenneté (C’s) qui obtient 3 députés à Barcelone, malgré un black out médiatique total. À tel point qu’Albert Boadella, dramaturge, vieux lutteur antifranquiste et promoteur de l’initiative n’a rien trouvé de mieux que de tourner un petit spot humoristique et un brin scato que je ne résiste pas à l’envie de vous montrer. Il vous suffit de cliquer sur :
http://www.libertaddigital.com/noticias/noticia_1276291536.html
Débute maintenant l’heure des négociations, dans la confusion. Rien ne garantit en effet que la victoire d’Artur Mas lui assure demain la présidence de la Catalogne, puisqu’une coalition PSC, ERC et ICV-Els Verts compterait 70 députés, soit 2 de plus que la moitié du Parlement catalan. Au petit jeu des alliances, les spéculations vont bon train. CiU va-t-elle s’allier avec ERC (ce qui donnerait 69 sièges, soit la majorité absolue ?) Ou au contraire va-t-on vers une répétition du « tripartisme » permettant au Parti socialiste de mener la danse, en compagnie d’ERC et de ICV-EUiA ? Faisant ainsi du grand perdant, José Montilla, le futur président de la Generalitat. À moins que CiU et le PS s’entendent, faisant de Mas le prochain « Honorable » et de Montilla son « Conseller en cap », son Premier ministre. Une tripatouillerie électorale peu ragoûtante, mais qui devient la norme en démocratie. Une évidence s’impose : la clef est détenue par ERC, sans doute le parti le plus anti-espagnol de la Péninsule. Ah, les beaux jours que voilà !