ETA veut se présenter aux Présidentielles françaises !

Publié le par Jean Chalvidant

La lecture de Zutabe, le bulletin interne de l’organisation, est toujours instructive, tant pour ce qu’on y lit que pour ce qui n’est pas écrit, ou ce qui figure entre les lignes. Aussi sa dernière livraison, le numéro 111, que je n’ai pas encore entre les mains, mais qui est tombé dans celles des journalistes de la SER, permet-elle de connaître un peu mieux ses intentions. En voici les principaux extraits :

 

ETA n’entend pas mettre fin aux actions de la kale borroka, la violence des rues, malgré la mise en place de sa trêve permanente ; elle considère qu’elle « constitue la réponse logique aux attaques » subies par la gauche séparatiste, de la part de la Justice et de la Police. Pire, elle annonce sa recrudescence au cas où la situation ne changerait pas et fustige le PNV et le parti Aralar pour l’avoir condamnée. Après une digression sur le nouveau président bolivien, Evo Morales, qui a su maintenir son organisation interne et mener une stratégie politique indépendante basée sur la décision des peuples, elle indique qu’elle suit avec attention l’action de la formation Nafarroa Bai (La Navarre, oui), car elle regroupe l’ensemble des partis nationalistes et constitue une alternative pour beaucoup.

 

Mais le plus surprenant est à venir : elle incite la gauche abertzale, c’est-à-dire séparatiste basque, à être présente aux élections de l’année prochaine au Pays basque et en Navarre… tout comme aux Présidentielles et aux Législatives en France ! Ce qui relève gravement de l’utopie. Alors, disséquons et expliquons : le mouvement séparatiste au Pays basque français s’est à plusieurs reprises présenté au vote des électeurs. Ainsi aux Législatives de mars 1986, EMA avait obtenu 2,81 % sur la côte et 5,86 % à l’intérieur. Aux régionales, son score descend à 4,2 %. À celles de 2002, le mouvement régionaliste n’avait guère progressé. Pour prendre deux exemples, dans la circonscription de Mauléon, les trois candidats abertzales avaient réunis sur leur nom 6,22 %, et à Bayonne 4,78 %. Ce qui est significatif des forces en présence. Léger frémissement : aux dernières Présidentielles, Iparralde, le Pays basque nord avait voté en plus grand nombre pour les deux candidats ayant annoncé qu’ils soutenaient l’idée d’un département basque. Ainsi Noël Mamère (Verts)avait réalisé 6,3 % contre 5,2 sur le territoire national, tout comme Olivier Besancenot (Ligue communiste révolutionnaire) 5,5 % contre 4,2. Tout cela reste marginal et pire, il s’agit d’un amalgame que beaucoup de Basques contestent. Ils sont nombreux à vouloir un département basque (la préfecture actuelle est à Pau, dans le Béarn d’Henri IV) sans souhaiter pour autant l’indépendance du Pays basque. Loin s’en faut.

 

Je ne sais si ETA possède une vision claire de la carte politique française et de ses procédures. Alors, au cas où ses dirigeants me liraient – et je sais que c’est le cas pour certains - je me permets de rappeler un ou deux faits, incontournables. Depuis 1976, pour se présenter face aux électeurs, le candidat à la Présidentielle doit délivrer au Conseil constitutionnel 500 signatures d’élus, provenant d’au moins 30 départements ou territoires d’outre-mer différents. Ce qui lui fait 47.289 parrains possibles. Mais un postulant ne peut rassembler plus de 50 signatures par département. Autrement dit, ETA, ou l’homme qu’il aura choisi de mettre en avant, sera totalement dans l’incapacité de remplir ces conditions, c’est une évidence. Il n’y a qu’à voir la peine que se donnent Le Pen ou Besancenot, pour un résultat encore aléatoire.

 

Il convient donc de prendre cette annonce d’ETA avec circonspection. Il s’agit en fait d’un effet d’annonce, prévenant l’Ētat français qu’elle entend dorénavant porter son combat sur notre sol. Pas forcément sous une forme violente, quoique dans Zutabe figure un coup de gueule contre les journalistes français, trop complaisants. Mais de façon légale et politique. Nous voilà donc prévenus.

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