Et Rajoy sortit par la porte de service, tandis que Sánchez entrait par la fenêtre…

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Et Rajoy sortit par la porte de service, tandis que Sánchez entrait par la fenêtre…

Triste fin, lamentable même, pour le gris Mariano Rajoy. Voici donc le fringuant Pedro Sánchez, 46 ans, devenu comme son mentor Zapatero président par accident : l’attentat d’Atocha pour ce dernier en 2004, une conjuration de circonstance pour lui cette semaine. Le septième président espagnol depuis l’avènement en 1978 de la démocratie, et le troisième socialiste.

Le jeu des alliances, c’est la démocratie en action, assure-t-on. Certes, mais savoir qu’un parti ne regroupant que 84 députés (sur 350, soit 24 % des élus, moins de 1 sur 4, alors que le PP en a 134) accède au pouvoir grâce à une conjuration de condottieres a quelque chose de dérangeant. Un hold-up. Légal mais artificiel grâce à une majorité d’un jour qui ne garantit guère des lendemains glorieux et apaisés. Techniquement, le coup a été remarquablement joué, grâce au vote de la motion de censure d’un aéropage hétéroclite, formé du PSOE, les gauchistes bolivariens d’Unidos Podemos, des séparatistes catalans d’ERC et de PDeCAT, des opportunistes tout autant séparatistes du PNV basque, des étarres peu ou prou recyclés de Bildu et de Compromis (les Valenciens) et Nueva Canarias, pour le folklore. Un sacré attelage de mécontents dont le seul rejet de la droite, du PP et du personnage de Rajoy sert de programme et de ciment, à défaut d’amalgame. Encore que certains (les Catalans et les Basques), aient été ravis de mettre le foutoir afin d’affaiblir l’Espagne, terre d’asservissement comme chacun sait. Cette coalition contre-nature a déjà été affublée d’un sobriquet : l’alliance Frankenstein.

Il est indéniable que la barcasse barrée depuis 6 ans 1/2 par Rajoy prenait l’eau de toute part. Trop de scandales, trop de concussions, trop de dirigeants mis en examen voire sous les verrous (dernièrement, « l’impeccable » Eduardo Zaplana), trop de lassitude, trop de mépris aussi. Et en ce qui concerne le capitaine, trop d’atermoiements, d’immobilisme, trop de procrastination, de passivité, aucun panache ni belle histoire à raconter. Rien que celle d’une gestion du pays à la grand-papa, dans laquelle la droite ne se reconnaissait pas, qui a permis quelques succès économiques sans susciter la moindre passion et encore moins d’enthousiasme : un PIB à 3 %, un déficit public de 3,1 %, une dette gigantesque de 99,5 % et un taux de chômage de -6 points depuis 2011, qui reste encore le plus élevé d’Europe.

À la surprise générale, à commencer par la sienne, Sánchez va donc diriger l’Espagne. Ce que l’on sait de lui n’encourage guère à l’optimisme : une carrière d’apparatchik à la gauche du PSOE, parlementaire suppléant, par deux fois devenu député grâce aux départs des deux tenants du titre (Pedro Solbes et Cristina Narbona), élu en 2014 chef du parti et obnubilé par l’idée d’occuper à tout prix la Moncloa, son Graal. Son amateurisme l’avait fait éjecter de la tête du Parti socialiste deux ans plus tard. Non sans mérite, humblement mais la rage au cœur, il était reparti de la base, pour convaincre les cellules de provinces de voter pour lui aux élections internes, et à la surprise générale, l’avait emporté en mai 2017 devant sa grande rivale, l’andalouse Susana Díaz. On en déduit son principal trait de caractère, l’acharnement ; quant à ses convictions et ses principes, il n’en a guère, sinon ceux de succéder à Rajoy (voir plus haut).

Naturellement, il va s’assoir sur un siège éjectable, ne possédant qu’une majorité éphémère et carrément instable, avec un Podemos prêt à le lâcher à tout moment, un PNV tourne-veste au gré de ses intérêts et des Catalans revendicatifs et excessifs. À la tête de ce qui sera le gouvernement le plus fragile depuis 1978, assurément de transition. Le temps de voir certainement Ciudadanos devenir le premier parti d’Espagne, le PP continuer sa descente aux enfers telle l’UCD des années 80 et le PSOE qui n’est guère désiré, stagner. En attendant des élections anticipées qui pourraient survenir avant l’échéance de décembre 2020, dans la foulée des municipales, européennes et autonomes de l’an prochain.

C’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens : Sánchez a remporté la manche et le pompon, Rajoy s’est fait voler comme au coin du bois et on ne va pas pleurer. Quant à Alberto Rivera, le leader de Ciudadanos, l’autre grugé de cette opération balayage, qui a manqué de flair cette semaine, il attend son heure pour flinguer une fois pour toutes le PP, rassembler la droite de conviction et les libéraux, majoritaires dans les sondages. C’est lui qui va devenir le principal opposant à ce président non issu des urnes, promu suite à une tambouille parlementaire de pur style IV République française. Et Rajoy ? Comme s’il n’avait rien compris de l’hostilité qu’il inspire et du passéisme qu’il incarne, il entend rester à la barre du PP, afin de revenir au pouvoir le moment venu, écrasant toute velléité de renouvèlement à droite. Une autre motion de censure, interne celle-là, à son encontre serait salutaire.

Dans le genre médiocre et limité, on pensait avoir tout vu avec Zapatero ; on ne devrait pas être déçu avec Sánchez. Les paris sont ouverts, mais mauvais temps à l’horizon !

Et Rajoy sortit par la porte de service, tandis que Sánchez entrait par la fenêtre…
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