ETA met la clef sous la porte ? Pas vraiment…

Publié le par Jean Chalvidant

Deux thèses opposent ces jours-ci le microcosme politique espagnol : ETA a-t-elle annoncé une « trêve permanente » en vue d’une ouverture de négociations débouchant sur une paix civile et militaire, et par là, un cessez-le-feu définitif ? Ou est-ce un simple artifice, un rideau de fumée médiatique, lui permettant de faire une pause, reconstituer ses arsenaux, intégrer de nouveaux militants et viser de nouvelles cibles ?

 

D’un côté, celui des services espagnols, l’optimisme est de rigueur. Aucun déplacement significatif d’étarres (sous contrôles discrets), n’a été signalé, pas plus qu’une lettre annonciatrice de l’ « impôt révolutionnaire » n’a été reçue par des hommes d’affaires ou de notables depuis le 24 mars. Et aucune bombinette n’a été déposée devant un édifice public ou une pompe à essence. C’est le sens de la note confidentielle que José Luis Rodríguez Zapatero a reçu le 5 avril dernier, en provenance du Secrétariat d’Ētat à la Sécurité, regroupant l’ensemble des informations en provenance de la Garde civile, de la police, de l’Ertzaintza (sur la kale borroka), et des services français. Un document de plusieurs centaines de pages, dont rien n’a transpiré dans la presse. Zapatero se réservant le droit de livrer suivant son humeur ou les circonstances certaines informations aux dirigeants des partis politiques, en particulier à Mariano Rajoy, leader du PP, bien marginalisé sur ce coup-là et comptant depuis l’annonce de la trêve huit points de retard dans les sondages… Gare, la Moncloa s’éloigne pour lui.

 

Le dossier, qui contient un index explicatif de la méthodologie employée pour appréhender les différents mouvements et activités des étarres ne présente aucune conclusion pratique, celles-ci étant du ressort du chef du gouvernement. À lui de se faire sa propre opinion, dont dépendront le sens et la vigueur des positions du pouvoir lors des futures conversations.

 

À l’optimisme des milieux officiels répond le scepticisme de certains, dont Jaime Mayor Oreja, ancien ministre PP de l’Intérieur et excellent analyste circonspect du thème séparatiste, et surtout un article du quotidien français « Le Figaro », assurant que la trêve n’a rien changé et qu’ETA mettrait à profit le répit qu’elle s’est imposé pour se refaire une santé. Une nouvelle version de la « tregua trampa », la trêve en trompe l’œil de 1998.

 

Qui a raison ? Sans jouer les Salomon, nous pensons que les deux thèses antagonistes sont nonobstant exactes et parallèles. ETA, sous l’injonction de Josu Ternera,  a décidé, sans doute pour la première fois, de jouer le jeu. Il faut dire que l’organisation séparatiste vit le pire moment de son existence, avec ses principaux chefs incarcérés, la lassitude et la pénurie des militants et le rejet de la population, basque incluse, de la violence (825 morts). Ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle doive baisser les bras, aller à Canossa et se rendre en robe du bure à Madrid. Donc, en attendant des avancées significatives en provenance du gouvernement central, de type référendum sur l’autodétermination et libération au compte gouttes des prisonniers (499 sur le sol espagnol), ETA se renforce dans l’ombre, afin d’être sur le pied de guerre en cas de rupture des négociations. Dans six mois, dans un an. L’essentiel étant de paraître toujours menaçant, l’arme au pied.

 

Il s’agit de la onzième trêve en 53 ans d’existence, décrétée par le groupe séparatiste. Chacun souhaite qu’elle soit la dernière ; et surtout qu’elle débouche sur une paix définitive. Le Pays basque et l’Espagne le méritent.

 

 

 

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