Coïncidence fâcheuse (4)

Publié le par Jean Chalvidant

Il semble que ma chronique du jour ne vous soit parvenue que partiellement. Comme quoi la modernité a des limites. Désolé d'encombrer votre boîte aux lettres ; je tente toutefois un nouvel envoi.

C’est entendu, ETA n’est pour rien dans l’attentat d’Atocha et ses 192 morts le 11 mars 2002. Encore que le PP n’ait toujours pas abandonné l’idée de prouver qu’il aurait été commis par les islamistes, en liaison avec l’organisation séparatiste. Il met en avant des contacts entre les deux groupes et le fait que le même jour partirent sur la même route deux camionnettes bourrées d’explosif, l’une conduite par deux étarres, l’autre des islamistes. Ce qui est vrai quoique un peu mince pour imposer une autre lecture de la trame. Car les preuves matérielles, les seules qui comptent, lui manquent et la version officielle tient toujours la route, en attendant des révélations toujours possibles. Et même fortement envisageables.

 

Mais chaque jour apporte son petit lot d’informations, voire d’étonnement. Ainsi aujourd’hui s’est-on rendu compte que l’un des avocats de plusieurs victimes chiliennes de l’attentat, Gonzalo Boyé Tuset est… un ancien collaborateur d’ETA. Son curriculum est révélateur : d’origine chilienne, il fait tout d’abord partie du groupe d’extrême gauche Movimiento de Izquierda Revolucionaria (MIR) dont les actions entraînèrent (avec évidemment d’autres éléments) le coup d’Ētat du général Pinochet. En 1987, le MIR, sous la férule de René Miguel Valenzuela, responsable de son « appareil extérieur » se rapproche d’ETA et fait entrer dans le groupe basque deux militants, Alexis Corvalán et Ramiro Silvo, ainsi qu’un sympathisant, le fameux Gonzalo Boyé.

 

Installé à Paris, Valenzuela tire les ficelles et envoie Corvalán à Madrid, où il loue des appartements servant de planques au commando Madrid et dresse une liste d’hommes d’affaires susceptibles d’être enlevés par ETA. C’est ainsi qu’il s’intéresse à Emiliano Revilla, le roi du saucisson éponyme, qui est capturé par Joseba et Kaskillos le 23 février 1988. Boyé  a prêté sa Chrysler 150 pour les filatures préalables. Claquemuré au 42 calle Belisana, le saucissonné Revilla sera libéré le 30 octobre, et Boyé, qui avait caché dans un fauteuil une partie de la rançon (700 millions de pesetas, soit un an du budget de fonctionnement de l’organisation), condamné à 14 ans de détention. Là, il met à profit son oisiveté et passe une licence en Droit via l’UNED, l’Université à distance et en sort en avril 2002, après seulement six ans sous les verrous. Reconverti comme avocat à Madrid et à Pampelune, installé dans l’un des quartiers les plus huppés de la capitale espagnole, il entretient d’excellentes relations avec la communauté chilienne et son ambassade et a défendu à plusieurs reprises Batasuna devant les tribunaux.

 

Le voici donc aujourd’hui menant la charge contre des terroristes. Ce qui fait réfléchir. Tout homme après avoir payé son dû à la société, a le droit à l’oubli et à mener une vie normale. Mais ce mélange des genres, défendre des victimes après avoir été bourreau, est pour le moins incohérent. Malsain, même.

 

Publié dans chalvidant

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