Guernica : un faux

Publié le par Jean Chalvidant

Autant prendre mes responsabilités : je considère le tableau de Picasso comme sa plus mauvaise peinture. Et je me reconnais le mérite de la continuité, puisque dans mon temps lointain d’étudiant, seul contre tout un amphi, j’avais déjà soutenu cette position, ce qui m’avait valu une remarquable bronca et le manque de considération de mon prof, devenu par la suite un proche. Un événement qui ne mériterait pas une chronique, si en ce moment, la picasserie ne refaisait parler d’elle.

 

Tout d’abord, c’est la décision du gouvernement de refuser « pour des raisons techniques » son prêt au Pays basque, comme le souhaitaient les nationalistes. De même le musée Reina Sofia, où elle est exposée, s’oppose à tout nouveau transfert, même au Guggenheim de Bilbao, à l’occasion du 70e anniversaire du martyre de la ville de Guernica. Ce que l’on comprend mal, les œuvres d’art ou supposées telles faisant de nos jours fréquemment de jolis voyages de dizaines d’heures, bien empaquetées, au Japon ou aux Etats-Unis. Quant à y voir un prétexte politique, on reste circonspect, le monde entier s’accordant sur le fait que le bombardement de la bourgade basque a été un acte de barbarie.

 

Ensuite, et plus épineux, certains se posent aujourd’hui la question de la véracité du tableau. Et mettent en avant deux dates. La première est celle de la destruction de la ville, le lundi 26 avril 1937. La seconde est celle de la présentation du tableau à l’Exposition universelle de Paris, qui se tient de mai à novembre 1937. Dès les premiers jours, le 4 mai, la peinture fut exposée et célébrée comme un chef d’œuvre symbole de l’indignation justifiée et aussi comme celui de la cause républicaine. Rien à dire là-dessus. Mais là où le bât blesse, c’est que Pablo Picasso en personne assura par la suite qu’il mit plus de soixante jours à peindre son tableau en noir et blanc, de 3,5 m de haut sur 7,77 de large. Et les chiffres ne mentent pas : Guernica n’est donc pas Guernica.

 

L’histoire est moins romantique : c’est en janvier 1937 que Max Aub, alors attaché culturel de l’ambassade d’Espagne à Paris commande à Pablo un tableau évoquant les horreurs de la guerre, versus républicain, en échange de 150.000 francs, car l’indignation est une chose, le business une autre. Et ce n’est qu’après l’horreur commise par la Légion Condor allemande que le peintre décide de lui donner le nom de la ville martyre. L’anecdote est connue : alors que Pablo contemple son tableau au musée, un badaud allemand lui demande « c’est vous qui avez fait ça ? Non, c’est vous », répond Picasso. On sait ce que l’Histoire en fit et le « Guernica » restera sans doute à tout jamais comme l’œuvre la plus marquante –et en tous cas la plus connue-  du peintre de Malaga.

 

La ministre de la Culture, Carmen Calvo, qui n’en rate jamais une, vient de déclarer que « le Guernica est devenu le symbole de cette tragédie ». Puisse cette chronique lui parvenir !

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