Les limites d'Internet

Publié le par Jean Chalvidant

C’est une véritable avalanche. Durant ces trois derniers jours, j’ai reçu une vingtaine de fois le même mail, en provenance d’Espagne et de fidèles abonnés de cette chronique. De quoi s’agit-il ? D’un message, signé d’un certain Luis Alcazar, parfaitement inconnu au bataillon, que j’essaye de résumer ici : « Quelqu’un de pleine confiance (ndla : qui ?) m’a fait parvenir ce courriel… Selon des sources totalement dignes de foi, Pedro J. Ramírez (le patron du quotidien El Mundo) possède toutes les preuves impliquant le Maroc, ETA et le PSOE dans le 11-M (l’attentat de la gare d’Atocha). Cela s’est déroulé de la manière suivante : le Maroc voulait commettre un attentat contre le gouvernement Aznar. Il a commencé avec l’opération du Perejil (un îlot à quelques centaines de mètres de la côte marocaine), mais Aznar a appelé Bush, qui y mit fin. C’est alors qu’il prit contact avec ETA. Avec elle, ils ont organisé et planifié le 11-M. Le PSOE savait tout grâce à ses mouchards qu’ils ont introduits à l’intérieur d’ETA et Zapatero a autorisé et manigancé la situation pour que l’attentat ait lieu, à condition qu’il se produise le 11 mars, de façon à pouvoir le présenter comme un châtiment islamiste envers Aznar, y gagner ainsi les élections. Il est possible que le PSOE n’ait pas appréhendé l’ampleur qu’allait avoir l’attentat, mais il l’a autorisé. »

 

 

Les bras m’en tombent. Autant de conneries, d’approximations, de croyance en la sempiternelle théorie du complot, de politique fiction… Comment est-il possible que quelqu’un de sensé puisse accréditer une telle thèse ? Et encore, quand je parle de thèse… Est-ce ainsi que la droite espère reconquérir le pouvoir ? Si c’est le cas, rendez-vous en 2024 ! Court en ce moment le bruit que l’attentat d’Atocha était le fruit d’une « co-production » entre ETA et les islamistes. Longtemps, le PP via les deux anciens ministres Acebes et Zaplana ont bataillé en ce sens, avant de baisser il y a peu la garde, leurs arguments ne résistant pas aux faits.

 

Alors, une fois de plus, rabachons : toute la lumière n’a pas été faite sur l’attentat de Madrid,  qui fit 192 morts le 11 mars 2004. Et des zones d’ombre subsistent, c’est une évidence. Mais à ce jour, la piste mise à jour le samedi 13 mars est la bonne, la seule. Elle est même totalement fondée : un sac de sport trouvé sur le lieu du crime, contenant un téléphone portable, sa carte SIM, menant aux vendeurs, puis aux acheteurs (des islamistes), puis à une baraque à Chinchón, où des preuves du même explosif furent découvertes, et enfin un appartement calle Carmen Martín Gaite, à Leganés, où six terroristes (islamistes aussi) se firent sauter. Là, on ressortit des décombres 200 détonateurs et 10 kilos de dynamite.

 

Alors, pour des raisons électorales ou politicardes, vouloir à tout prix impliquer ETA dans l’attentat relève aujourd’hui de l’absurde. S’il est vrai que des liens s’étaient établis en prison entre étarres et islamistes, s’il est vrai que deux véhicules remplis de dynamite partirent le même jour vers Madrid, l’un conduit par deux étarres, l’autre par des islamistes, aucune conclusion ne peut être apportée, confondant les conclusions de l’enquête, pour imparfaite qu’elle soit. Une dernière chose : à l’époque, ETA était dirigée par Mikel Antza, qui fut arrêté en octobre 2004. Sur place, à Salies-de-Béarn, les gendarmes trouvèrent quatre ordinateurs allumés, et analysèrent aussitôt leurs disques durs, ainsi que diverses clefs USB planquées sous l’escalier. Et rien ne concernait le 11-M. Aucun ordre, aucun plan, aucune collusion. Et si lui n’était pas au courant…

Publié dans chalvidant

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