Les chiffres ne mentent pas

Publié le par Jean Chalvidant

Intéressante, cette réflexion de l’un des plus grands hispanistes vivants, l’historien américain Stanley G. Payne, que le quotidien La Razón interroge sur le processus de paix : « Il doit y avoir une négociation pour abandonner les armes, bien sûr. Mais ce qui se passe actuellement, ce n’est pas cela. Les armes sont toujours présentes. Le but est de faire des concessions aux terroristes pour qu’ensuite, si ceux-ci les acceptent, ils abandonnent les armes. Et on fait tout le contraire. C’est une négociation politique. C’est le début d’une reddition face aux terroristes. »

 

Bien sûr qu’il a raison, Payne ! Si l’on observe la situation de ce début juillet par rapport à la fin mars, on constate que rien n’a changé. Mais, va-t-on me rétorquer, ETA ne tue plus. Ce qui est exact, mais était le cas depuis mai 2003, sous Aznar, avec les assassinats en Navarre de deux policiers, Julian Embid et Bonifacio Martin. En revanche, tout semble continuer comme avant : l’impôt révolutionnaire continue à être perçu et la kale borroka est toujours en vigueur : 52 actions depuis l’annonce de la trêve, causant pour 364.000 euros de dommages. À ce propos, le président du Forum d’Ermua, l’universitaire Mikel Buesa, frère d’une victime d’ETA, vient de publier une courte étude très révélatrice, que vous pouvez consulter en allant sur http://www.hispanidad.com/imagenes/cartas/MBuesa-Altofuego2.pdf Pour lui, l’activité logistique de la bande continue de plus belle, d’autant plus que la police française a constaté le vol par ETA de 21 véhicules avant le cessez-le-feu. De plus, les arrestations sont à la baisse, politique et négociations obligent, comme si l’Ētat espagnol avait de son côté déclaré une trêve.

 

Si l’on ajoute les lettres réclamant une rançon, reçues par une cinquantaine d’hommes d’affaires au Pays basque, exigeant le paiement d’une somme allant de 18.000 à 60.000 euros, laissant à penser qu’ETA a déjà perçu, ou va percevoir, environ 250.000 euros, on constate que l’organisation n’a pas mis le moindre bémol à son activité. Et l’attitude des étarres jugés ces derniers jours, tels Txapote, Amaia, Jesús María Etxeberria ou Ángel Aramburu prouvent qu’ils restent toujours décidés. Provocateurs, fiers de militer dans le groupe, ils n’expriment aucune repentance ni signe de réconciliation, bien au contraire. Autre préoccupation, le nombre d’arrestations. De 2000 au second trimestre 2006, 1.008 détentions ont eu lieu, dont 613 en Espagne, 287 à l’étranger, principalement en France et 108 extradés. Les deux pics se situant aux quatrièmes trimestres 2003 et 2004. Or, au dernier trimestre 2005, on n’enregistra qu’une seule arrestation, et aucune au premier de 2006… D’où une conclusion d’évidence : la lutte antiterroriste a été volontairement paralysée pour des raisons partisanes : au lieu de vouloir casser ETA, Zapatero a clairement choisi de parvenir à un accord avec elle. Et a agi en conséquence. Ou plutôt, n’a pas agi.

 

Conclusion de Buesa : la trêve n’est  que partielle, contrairement à ce qu’avaient exigé par leur vote les députés ; le président du gouvernement n’a pas tenu ses promesses et a adopté une posture qui affaiblit l’Ētat, dont les conséquences pourraient s’avérer négatives. Réponse, sans trop d’illusions, dans quelques mois.

Publié dans chalvidant

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article