Le chevalier à la triste figure

Publié le par Jean Chalvidant

Ce n’est pas pour me pousser du coude, mais mes renseignements étaient bons : hier matin, j’écrivais que « d’après mes sources, dans les jours qui viennent, avant la fin de la semaine sans doute, ETA va faire un geste pour regretter les deux morts et renouer avec Madrid. » En fait il n’a fallu que quelques heures pour que l’organisation envoie un communiqué en euskera au quotidien Gara, indiquant que « ceux qui ont provoqué la grave situation actuelle sont le PSOE et le gouvernement… qui a continué à ne pas tenir ses promesses de cessez-le-feu. L’opportunité pour développer un processus démocratique surviendra via un accord politique réunissant les droits et les minimas démocratiques dus à Euskal Herria… Notre volonté est claire pour renforcer et impluser le processus.» Quant aux deux victimes, c’est de la faute des autorités, qui une heure après avoir reçu l’appel de l’organisation, avaient été infoutues de faire évacuer correctement le parking. Plus cynique, tu meurs.

 

Traduction : on oublie tout et on recommence, et on considère que l’attentat de Barajas ne fut qu’un coup de semonce destiné à secouer la léthargie du gouvernement et de son président. Il fait vraiment de la peine en ce moment, Zapatero. Déjà que d’ordinaire, il ne passe pas vraiment pour le fils spirituel de Zavata, il faut le voir trainer son désarroi. À son tour, il connaît la solitude du pouvoir, le trouble face à un événement inattendu et meurtrier, qui fait naturellement penser à l’attentat d’Atocha du 11 mars 2004. Comment en effet ne pas évoquer  la similitude entre ces deux tragédies et la réaction passive de l’exécutif, dépassé par l’ampleur du drame et cherchant par toutes les dérobades à se défausser de toute responsabilité.

 

Responsable, Zapatero l’est plus que quiconque, hormis ETA, bien sûr. C’est lui qui a voulu initier le processus sans rien exiger en échange, lui qui a fermé complaisament les yeux sur les exactions de l’organisation, sur la résurgence de la kale borroka, les bombes placées ici et là, la perception de l’impôt révolutionnaire, les vols d’explosif ou des 350 pistolets de Nîmes. Lui qui a demandé à sa Justice de mettre un frein aux poursuites et à la police de regarder ailleurs quand elle pistait un commando. Dans l’espoir vain de passer pour le pacificateur, réussissant là où Franco, Arias Navarro, Suárez, Calvo-Sotelo, González et Aznar avaient échoué.

 

Immanent retour de bâton, rien ne fonctionne pour lui depuis la perte des élections catalanes début novembre. À l’intérieur du parti, ça grogne, ça gronde même. L’un de ses proches, le président d’Estrémadure Juan Carlos Rodríguez Ibarra lui a passé l’engueulade du siècle après la bombe de Barajas, lui reprochant son angélisme. Quant à Felipe González, son prédécesseur socialiste à la Moncloa, il s’arrache les cheveux dès qu’est prononcé en sa présence le nom de Zapatero. Et dans l’ombre, l’ancien ministre de la Défense José Bono fourbit ses armes et ses arguments, lui qui n’avait été battu que de 9 voix en 2000, lors de l’élection au secrétariat général du parti. En attendant de ramasser les miettes.

 

Quant à l’opposition, elle est requinquée : les sondages la mettent à égalité avec le PSOE et Rajoy, qui n’a jamais changé de ligne, incarne pour la première fois aux yeux du peuple la fermeté envers les terroristes, avec qui il ne convient de dîner qu’armé d’une longue fourchette. Il paraît que Ségolène Royal apprécie qu’on la dénomme « la Zapatera ». Avec tout le respect que je lui dois, je lui conseillerai de très vite changer de surnom. À moins qu’elle ne manifeste là sa déjà légendaire « bravitude ».

Publié dans chalvidant

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