Un 11 septembre est encore possible en Espagne

Publié le par Jean Chalvidant

Cinq ans aujourd’hui que le monde entier découvrait l’horreur sur les écrans de télévision, ces hommes et ces femmes se jetant dans le vide, les tours jumelles s’effondrant. Personne n’a oublié et chacun se souvient de l’endroit où il se trouvait ce 11 septembre 2001, comme lors du premier pas de l’homme sur la lune ou l’accident de Lady Di. L’attentat de Manhattan constituait la première étape d’un complot mondial, qui se prolongea le 11 mars 2004 à la gare d’Atocha et dans le métro londonien cette année. En attendant le prochain forfait.

 

On se souvient que l’Espagne avait constitué la base logistique des terroristes new yorkais, loin de leurs bases et de leurs objectifs. C’est à la fin des années 80 que des radicaux syriens, menés par Mustafa Setmarian et Imad Edin Barakat, alias Abu Dahdah s’étaient implantés, bientôt suivis d’activistes marocains et algériens, conduits par Amer el Azizi. Elle était une démocratie tranquille et en fait de terrorisme, seul celui d’ETA retenait l’attention des autorités.

 

Cinq ans après, la leçon a-t-elle été retenue ? Au-delà des effets d’annonce et de l’incarcération de plusieurs centaines d’islamistes, on peut en douter. C’est du moins ce qu’affirme un expert marocain de l’Université Hassan II de Casablanca, Abdala Rami : « Aujourd’hui, l’Espagne est un sanctuaire pour Al Quaeda, car les terroristes sont informés et savent que la police espagnole n’a pas assez de ressources et d’effectifs suffisants pour mettre sous contrôle tous les suspects… On entre facilement en Espagne comme immigrant illégal, et les expulsions sont rarement exécutées ». Conclusion de Rami : « Les réseaux jouissent de toutes les facilités pour être opérationnels sur des terrains aussi variés que le recrutement et l’envoi de jeunes en Irak ou dans des camps d’entraînement, la constitution de cellules, la recherche de fonds pour financer ces activités et la planification d’attaques. L’Espagne est de nouveau un pays clef dans la structure d’Al Quaeda en Europe. »

 

L’analyse est partagée par la Fondation américaine Jamestown, spécialisée dans l’analyse du terrorisme : « Actuellement dans la trame d’Al Quaeda en Espagne on trouve de plus en plus de délinquants, comme des voleurs ou des trafiquants. Quant aux Marocains, qui occupaient un rôle secondaire, ils assument désormais le leadership. » Même son de cloche chez un chercheur espagnol et anonyme cité ce jour par « El Periodico », qui relève que « Maintenant, des terroristes de toutes les nationalités collaborent. Des cellules pakistanaises qui se répandent depuis Ceuta et Melilla sur tout le nord du Maroc travaillent avec des Marocains pour introduire du haschich en Espagne, et le disséminer ensuite en Europe, surtout en Belgique et en Hollande. C’est en ce moment la grande source de financement. »

 

Ajoutons pour faire bonne mesure que le salafisme, proche des idéaux d’Al Quaeda, est désormais installé dans une dizaine de mosquées d’Andalousie et de Catalogne, et atteint en Espagne environ 10 % du culte, et nous aurons une bonne vision de l’ensemble. Pour endiguer le phénomène, le nombre d’enquêteurs a été multiplié par dix, la centaine d’agents spécialisés atteint maintenant les mille. En 2006, 368 millions d’euros vont être consacrés à la lutte antiterroriste. Les résultats sont encourageants : 229 terroristes islamistes ont été arrêtés depuis 2004 (contre 187 pour ETA), alors que dans les années antérieures, ils étaient 18 en 2001, 10 en 2002 et 34 en 2003. Cela suffira-t-il ? On le souhaite, sans en être malheureusement totalement convaincu.

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