Oilar Manjon, ou le syndrome de Stockholm

Publié le par Jean Chalvidant

Comme chacun le sait, le syndrome de Stockholm désigne la propension des otages partageant la vie de leurs geôliers à adopter leurs points de vue. Un comportement décrit dès 1978 par le psychiatre américain Frank Ochberg. Comment ne pas y penser en ce troisième et lugubre anniversaire de l’attentat du 11 mars ?

La scène se passe dimanche dernier, lorsque le Roi, Zapatero et Rajoy inaugurent à Atocha le monument érigé à la mémoire des 192 victimes, un grand cylindre en verre où sont gravés à jamais leurs noms. Pas vraiment une œuvre d’art, mais assurément un lieu de recueillement. Alors que les officiels se retirent, au milieu d’un silence impressionnant, un homme placé dans la zone réservée aux familles des victimes déploie une banderole sur laquelle est inscrit : « 11-M. Acebes en prison pour négligence criminelle. Aznar au Tribunal international de La Haye ». Voyant cela, le public très sélectionné se scinde en deux clans : les uns applaudissent, les autres expriment leur exaspération.

Sur le parvis, la situation se crispe davantage. Deux personnes portant des drapeaux espagnols hurlent : « On ne connaît toujours pas les auteurs » ou « L’Espagne unie se sera jamais vaincue ». Elles sont houspillées par d’autres, répliquant « Zapatero, tu n’es pas seul », « C’est vous, fascistes, les terroristes » et « Aznar, canaille, rendez-vous à La Haye ». Comme quoi même dans un tel lieu de recueillement, et en une telle occasion, les tensions sont à vif, les blessures toujours pas refermées et l’interprétation des faits aléatoire.

Il faut dire que la présidente de l’Association « 11-M Affectés par le terrorisme » - affectés et non victimes, elle tient à la différence - Pilar Manjón, a tout fait pour attiser le feu. Mère de Daniel Paz, vingt ans, qui a trouvé la mort dans le train de El Pozo, elle fait flèche de tout bois en pointant du doigt le coupable. Le terrorisme islamiste ? Non, pas du tout, mais bien José María Aznar, pour avoir participé à la guerre d’Iraq. Et elle ne l’envoie pas dire : « À celui à moustache, à ceux pour la guerre, à ceux de la torture à Guantanamo, à ceux qui n’ont pas trouvé d’armes de destruction massive, à ceux qui ne savaient même pas qu’elles existaient, à ceux qui nous ont menti alors, à ceux qui nous mentent toujours, aux amis de l’ex président du gouvernement, aux amis de l’ex ministre de l’Intérieur, aux amis de Bush, à ceux qui se fâchent lorsqu’ils perdent une élection… à tous ceux-là, et en mon nom, mon mépris le plus méprisable. »

On ne peut que respecter la douleur d’une mère ayant perdu son enfant. On ne peut aussi qu’être abasourdi devant un tel cacao mental, mêlant guerre d’Iraq, Guantanamo et attentat de Madrid. Encore une fois, redisons qu’il fut décidé par Ben Laden, qui donna l’ordre à Amer Azizi de s’attaquer à l’Espagne bien avant la décision d’Aznar d’accompagner Bush et Blair dans leur aventure. À l’automne 2002, alors que la guerre a débuté en mars 2003 ! C’est un fait incontournable. Affirmer le contraire est de la désinformation ou de la politique. Souvent la même chose, il est vrai.

Il faut dire que Pilar est une militante, pure et dure. Inscrite au Parti communiste depuis 1982, elle a trouvé son chemin de Damas, ou de Bagdad, dans le combat contre les dirigeants espagnols de 2004, oubliant totalement ceux qui ont déposé les bombes, les islamistes. Comment appelle-t-on cette empathie ? Le syndrome de Stockholm, oui, on y est !

 

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