Mélodie en sous-sol

Publié le par Jean Chalvidant

Il se passe des choses pas très propres en ce moment dans le métro madrilène. Et je ne parle pas de prophylaxie, d’odeurs récurrentes ou d’amoncèlement de détritus. Il est bien sûr sale, comme son homologue parisien, mais demeure le meilleur moyen pour se déplacer dans une ville qui a à peu près résolu son problème d’encombrement automobile, grâce à de nombreux parkings et la construction d’une sorte de boulevard périphérique, qui manquait gravement à la capitale de l’Espagne.

Mais au sous-sol, rien ne va plus. Et les 655 millions d’utilisateurs annuels commencent à s’inquiéter à la suite d’incidents affectant leur métro. Enfin, davantage des actes de sabotage que d’incidents, puisque depuis le 15 février, on en a recensé treize, de trois types. La première catégorie a trait à des coupures au ciseau dans le radio téléphone de la cabine, ou l’introduction de pâte à prise rapide dans la boîte d’ouverture des portes. Ce qu’un simple voyageur mal intentionné ou légèrement taré, voire les deux à la fois, peut accomplir.

La seconde requiert un savoir-faire supérieur : dans la cabine du machiniste se trouve le « micro de l’homme mort », un dispositif de sécurité que le conducteur doit maintenir serré pour que la rame fonctionne. Le fait de le lâcher serait synonyme d’incident, mécanique ou corporel. C’est ce mécanisme qui a été visé à plusieurs reprises, faisant penser aux enquêteurs que le saboteur est, sinon un spécialiste, du moins un travailleur du métro possédant quelques notions techniques de base.

Avec la troisième, on passe à l’échelon supérieur et carrément inquiétant : le 20 février a été découvert à la station « Tribunal », sur la ligne 1, un paquet explosif, composé de trois tubes de plastique rouge, de 20 cms de large et 2 centimètres de diamètre. L’ensemble relié à une mêche. Plus de peur que de mal, l’intérieur était vide.

Depuis, c’est le branle bas. L’Espagne, qui vient de célébrer le troisième anniversaire de la tuerie du 11 mars vit dans la hantise d’un nouvel attentat aveugle dans un train, qu’il soit de banlieue ou de métro. La Communauté de Madrid pointe du doigt la possible malveillance d’un salarié du métro, ce que les syndicats prennent fort mal, considérant qu’on injurie pour le moins leur corporation. Peu soucieux de nuances, ils affirment même qu’on la « criminalise », alors qu’ils devraient être solidaires des enquêteurs, une question de crédibilité et de maturité. En attendant, six travailleurs du métro de Canillejas ont été mis en examen. La suite au prochain numéro.

Et comme tout est politique en Espagne, l’équipe de la présidente locale Esperanza Aguirre, par la voix de son porte-parole Ignacio González, affirme que ces actes de sabotage n’ont qu’un but : affaiblir l’équipe en place. « On ne peut gagner à Madrid en utilisant n’importe quel moyen », comme s’il y avait une relation de cause à effet. Nous y sommes : la campagne électorale vient vraiment de commencer sur le terrain, et tous les arguments, même les plus sulfureux vont être utilisés. Mais miser sur l’inquiétude de la population, toujours traumatisée par le 11-M et ses 192 morts, est un jeu sale, d’un côté comme de l’autre.

Publié dans chalvidant

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article